Alain Bellemare

Lève-toi et marche...

ou crève!

Les aventures d'un Pied-Noir en Algérie

Extrait du roman (2e)

J'étais parti du tribunal de Ponce Pilate. Je cherchais Barabbas… Partout la foule scandait son nom sur mon passage… J'avais le sentiment d'avoir déjà trahi une loi romaine!… Mais laquelle? D'être coupable du plus affreux blasphème?…

- Dio Cane!

J'étais même pas le Roi de ces putains de Juifs!… et c'était moi qu'on voulait crucifier!… J'ai fait quelques stations touristiques en chemin… Le soleil frappait fort. Je suis passé sous quelques arches dans les vieilles rues de Jérusalem, non loin de l'ancienne forteresse.

Je me sentais comme un agneau qui crève de soif… Sauf que moi, ils voulaient me mener à l'abattoir! Partout, ils voulaient me vendre des trucs liturgiques… On aurait dit une arcade remplie de bandits! Les vendeurs du temple… Ils avaient cette passion pour la vente. Vous savez? Celle qui vous fait continuer à faire chier le client malgré ses nombreux refus… Non, merci! Moi j'suis païen! Mais j'adore pas les statues! Que je leur répondais en arabe… Mais ils insistaient toujours!

- Fourre-toi-la au cul, ta putain de croix!… Connard! Sinon c'est moi qui va te crucifier…

Il y avait un con, dans la patrouille, qui arrêtait pas de chuter partout… Notre sergent commençait à avoir honte de lui. Une jeune femme, qui disait s'appeler Véronique, a essuyé son visage en sueur. Ensuite, elle l'a aidé à se relever…

Il avait titubé et était retombé dans le dernier bout de chemin… Épuisé, il semblait souffrir mille agonies en marchant vers le Calvaire. " Trois fois en tout, l'enfoiré! " Après, j'ai compris qu'il était complètement bourré, le crétin!…

- Sango di Dio! Quel Calvaire?…

J'ai scruté ma petite carte à touristes… Je l'ai même pas trouvé ce putain de monticule à la con!…

Des femmes pleines de compassions sont venues m'offrir du vin mêlé de drogues… " C'est pour atténuer ta douleur pendant qu'on enfonce les clous… ", qu'elles disaient. Je commençais à avoir soif… L'offre était alléchante! Car on crevait de chaleur ici. Mais celui qui allait me mettre en croix et me clouer était pas encore né! J'ai préféré chercher une auberge pour me désaltérer… En vain! Il y avait rien!…

Après, je suis allé visiter le Mont aux Oliviers avec les gars… Ma première impression, c'était que ça ressemblait étrangement à un cimetière. Mais en montagne. Ça devait pas être facile à creuser! Toutes ces tombes… Je savais pas qu'on en avait crucifié autant! Pauvre fossoyeur! Outre le sol consacré, il y avait plein de petites chapelles, de monuments à la con et des putains de mosquées un peu partout… Toujours pas de filles!

Je me suis dit que c'était pas dans les minarets qu'on trouverait des gonzesses! J'ai cherché le tombeau de Jésus sur le plan. Il était caché derrière le temple d'Hadrien… Mais comme il était sensé avoir ressuscité trois jours après sa crucifixion, il y aurait sûrement rien dedans! Le miracle de la résurrection! Sans lui, l'Église catholique était foutue… J'avais pas de temps à perdre en de vaines recherches. Les ossuaires, c'était bon pour les chiens… S'il y en avait déjà eu, les curés les avaient probablement fait disparaître depuis une éternité!

À mi-pente, il y avait un sentier qui serpentait…

- Merde! On s'est bien fait baiser!…

Quelqu'un était passé avant nous et avait déjà piqué toutes les olives du jardin des oliviers!… Finalement, cette balade en Israël, c'était un très grand désappointement…

On a ensuite remonté le désert à toute vitesse… Puis on a eu toute une meute israëlienne aux fesses… Certains résidents Juifs avaient pas apprécié la soi-disant profanation de leur lieu de culte. Les idiots, ils comprenaient rien à rien, ces connards de Juifs!… Moi, j'avais juste besoin de me soulager quelque part! Et j'étais pas le seul! Comme je parlais couramment l'arabe, j'avais demandé la permission à un bon samaritain musulman. On était pas loin d'une mosquée. Le saint homme m'avait indiqué le recoin…

- Un peu plus loin, puis à droite, qu'il avait dit!

Après, c'était tout droit…

Il m'avait dit d'arrêter de me lamenter, qu'il y avait un petit coin tranquille, pour toute notre bande, le long d'une vieille muraille… On pourrait aller se soulager là-bas… Moi, ça commençait à urger! Je sais pas ce qui leur a pris aux putains de Juifs… J'avais que très légèrement souillé la devanture de leur vieux mur en ruine. J'ai fait qu'une toute petite virgule brune sur la pierre blanchâtre pour m'essuyer… Pour être vieux, il en avait plus que l'air! Il était composé d'énormes blocs de granite qui semblaient prêts à s'effondrer. La plupart des monolithes étaient déchaussés… Même la verdure s'était mise à pousser entre les pierres! Je me demandais qui était le con qui avait laissé ce mur traîner par-là… Ça pouvait même être dangereux pour les touristes! Tout le reste semblait avoir été démoli! Ils avaient pas fait du bon travail de sape… Ils étaient fous ces romains! Moi, si on m'avait demandé de le raser… Ça m'aurait pas pris trois jours! Et il y demeurerait pas pierre sur pierre!

Il y avait des types face au mur décrépi… Aucune femme! J'ai trouvé ça étrange. Peut-être qu'ils les cachaient à la maison? Plusieurs étaient habillés comme des extra-terrestres. Sinon tous!

- C'est peut-être des martiens!

J'en avais jamais vu avant! Malgré la chaleur suffoquante, les petits bonhommes noirs portaient de longs manteaux de corbeau. Ils avaient sur la tronche des chapeaux d'ébène fourrés de vison avec de longs boudins qui descendaient le long des oreilles… Comme pour les filles! C'est là que j'ai fait la connection! Ils avaient pas besoin de demoiselles sur leur muraille… ils avaient tous des moumoutes indéfrisables!…

Ils étaient affairés à donner de la tronche et à se lamenter devant le gigantesque rempart. Mais c'était une protection contre quoi?… Contre qui?… Je m'étais dit que ça " protégeait pas de la stupidité… " Et qu'est-ce qu'ils faisaient là, ces abrutis d'un autre monde!…

- Moi, je pensais qu'ils étaient devant le mur pour pisser un coup, mon Caporal!…

J'ai geulé en arabe :

- Laissez-nous donc chier en paix, bande de demeurés!… Vous voyez pas que vous dérangez?…

Ils s'étaient arrêtés de se plaindre et avaient commencé à nous invectiver et à nous chier sur la tête… Maintenant, ils nous menaçaient pour vrai. Ils en avaient spécialement après moi :

- Caporal, y sont cons comme des balais ces crétins de Juifs… Maintenant, y veulent me frapper avec des pierres!…Ouch!…