C'est bientôt dimanche. La Fêtes des Pères!
Papa m'attend pour le souper
avec les enfants, mon frère, ma sur,
et le reste de la famille. Papa est âgé maintenant
Il marche
plus lentement, il bouge moins vite. Tout semble plus réfléchi,
posé, à son âge
La sagesse, quoi! Bref, ça tourne
moins vite, ou c'est la vie va trop rapidement
comme lorsque je l'amène
chez mon frère pour une occasion spéciale et que je conduis! Mais
ça nous guette tous un jour! C'est Papi qui m'a soutenu lors de
ma première randonnée à bicyclette en solo
Il avait
enlevé les béquilles... deux petites roues latérales avec
sa clé anglaise huileuse de mécanicien avant de me donner l'ultime
poussée
la dernière poussée. La vraie! Celle qu'on
donne pour qu'on avance tout seul dans la vie
Un cliché dont ont
abusé plusieurs publicitaires
sauf pour les pièges! Ils les
ont cachés. Ça fait pas de belles images, un deux roues tout croche
sous une automobile avec un type qui se tient la tête à deux mains
en chialant
Je le reprends tout de même à mon compte. Je suis
un vulgaire proxénète littéraire
Sauf que moi, je me
demande encore c'est quoi
la littérature! Je lis et rature
Je rature souvent! À vrai dire, je me souviens pas très bien
de ma première randonnée à deux roues
Mais je me souviens
que papa était là. De ça, je m'en souviens
Je m'en
souviens, car c'est notre devise à nous, les Québécois! C'est
inscrit sur nos plaques minéralogiques pour qu'on s'en souvienne
parce qu'on a la mémoire courte. Mais maintenant, y a plus personne qui
se souvienne de rien
D'où on vient! De qui on vient! Mais moi, je
m'en souviens pour vous
Je m'en souviens pour toi qui a peut-être
oublié et qui aimerait se souvenir. Je suis... ton souvenir. Je
me souviens d'avoir longé une allée avec Papa
J'étais
pas en bicycle. Je marchais
C'était comme une photo couleur que la
fille au Jean Coutu aurait développée dans ma tête
gravée
sur des neurones juvéniles encore malléables : de la pellicule gélatinée
encore vierge. Mais dans mon cerveau, ma cervelle
grise. Aujourd'hui, tout
est numérique! J'aurais dû dire: dans mon cerveau... gravé
sur mon disque dur! Attendez que je me souvienne pour vous
Pour moi.
C'était une petite maison de briques rougeâtres que nous longions.
J'étais perdu. Papa me tenait par la main, car j'étais un peu craintif
Je regardais partout, dépaysé. Où étions-nous? "Pourquoi
on est là, papa?" Nous arrivâmes bientôt dans une
cour. Elle était immense. Pour le bambin que j'étais, même
un carré de sable, c'était immense! J'étais comme fou de
joie, en admiration devant cet espace vert! Une boule d'énergie qui demandait
qu'à exploser. Une clôture de planches et une haie délimitait
l'espace. Papa m'a lâché la menotte et m'a dit, sur un ton triomphateur,
que c'était ma cour
Mon petit domaine à moi! Notre maison
à nous... Fini le Plateau et les logements étroits, les troisième
étages et les voisins chiants du palier... Moi, le Plateau, je savais pas
c'était quoi à l'époque! Sinon, j'aurais dit à papa
d'y rester parce que tout le monde veut maintenant y retourner... "Tu
peux aller jouer ". Dans mon petit royaume, il y avait une balançoire.
Elle était suspendue à la branche maîtresse d'un immense saule
Une planche, de la grosse corde de chanvre. L'arbre semblait larmoyer tout seul
dans son coin
comme moi quand papa me mettait en pénitence pour une
quelconque infraction au code disciplinaire de la famille. Je les brisais toutes,
ses règles, naturellement! Bien ancré dans la pelouse, ses rameaux
retombant semblaient veiller sur la paisible cour arrière qu'il dominait
d'une tête. J'étais assis sur le petit trône. Papa me donnait
des poussées. À chaque passage, je prenais un peu plus d'altitude.
J'aurais voulu décoller comme une fusée... J'aurai voulu être
astronaute... Retourner dans la poussière d'étoiles! "Plus
haut, Papa... plus haut!" C'est le plus vif souvenir que j'ai de mon
papi. J'avais à peine trois ans. Je vous le cède à vous...
À vous qui ne pouvez plus vous souvenir... À vous qui ne voulez
plus vous souvenir! C'est mon cadeau pour la Fête des Pères... Pour
moi, c'est un beau moment. Un moment qui m'a laissé un sillon dans la mémoire
pour la vie
Un coup de charrue dans la tête! Papa était fils
d'agriculteur, mais on habitait à la ville... Un jour, j'ai compris que
sans Papa, j'aurais pas été là! J'aurais jamais été
là! Remarquez que sans Maman aussi
Mais comme c'est la Fête
des Pères, j'en profite pour souligner l'importance initiale de mon géniteur.
Sans lui, j'existerais pas!
Je serais qu'une petite vie en devenir, le potentiel
étant
illimité! Et ne serait-ce que pour cette seule
et unique raison, je tiens à lui montrer ma reconnaissance et à
lui souhaiter ... une bonne fête des Papis!
Bonne
Fête des Pères, papa! À tous les Papis... Pour
envoyer une carte à son Papi
Par Alain
Bellemare |