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Avoir
la mémoire courte, surtout en période électorale
Puis-je me permettre, Monsieur, de vous soumettre mon propos
sans risquer de vous être importun ? Oh! Je vous comprends
parfaitement Monsieur, les citoyens ont la mémoire courte…
Surtout en période électorale. Je sais que ce hochement
de tête ne signifie pas que vous vous rendiez totalement
à mon raisonnement, mais j'ose tout de même, acceptant
au besoin de passer pour un ennuyeux personnage… Vous êtes
trop bon… Vous avez raison, qui se soucie de ce qui s'est
réellement passé lors de l'hiver de 1837-1838; quelques
centaines de morts, une soixantaine de patriotes déportés,
une douzaine de pendus tout au plus… Sans compter le deuil
des aspirations d'un peuple entier qui n'a trouvé son salut
que grâce à un taux élevé de natalité,
et les bons offices des curés de campagne…À
Papineau il ne restait plus qu'à se conduire lui-même
par la main jusqu'au tombeau…
Mais qui se souvient aujourd'hui du parlement de Montréal
qui fut brûlé en 1849, par nos amis du Haut Canada,
et qui fut prestement reconstruit à Ottawa; notre si belle
capitale nationale c'était Montréal ! Qui se souvient
de notre hymne National, ' Ô Canada ' composé en
1880 par Calixa Lavallée pour les Canadiens-français
? Qui se souvient de la devise des québécois ? Je
me souviens ? Une petite phrase discordante en majuscule sur une
plaque minéralogique que nos prisonniers confectionnent
derrière les barreaux… Notez bien que je ne juge pas,
et que je suis bien bavard. C'est ma nature exubérante,
effectivement… Je tiens cela de ma mère; c'est mon
seul héritage !
Saviez-vous que dans ma ville natale, lors des événements
d'octobre 1970, alors que nos dirigeants Libéraux québécois
élus par le bon peuple, le même Parti Libéral
dont le chef est maintenant Monsieur Jean Charest, avaient imploré
l'aide de ces québécois de souche du gouvernement
supérieur du Canada pour mieux écraser la menace
nationaliste considérée comme étant terroriste;
quelques chauffeurs de taxis appartenant au F.L.Q. qui désiraient
fonder un pays à coups de bâtons de dynamite et d'enlèvements
politiques? Aucun citoyen ne s'est soulevé lorsqu'on a
enfermé quelques centaines de québécois nationalistes
soupçonnés de terrorisme ou de collaboration avec
l'ennemi; des collabos, selon les dires de nos amis fédéralistes.
Tout au plus quelques cris d'indignation et une résistance
passive bien au chaud assis sur le divan à la maison alors
que les hommes de troupe du Canada se les gelaient la nuit en
prenant possession de nos villes…
Mais oui ! Vous ne vous souvenez pas de notre devise qui pourtant
nous rappelle qu'il ne faut pas oublier et tout faire pour nous
souvenir ? Et vous me parlez de faire la souveraineté comme
Monsieur Bernard Landry nous propose de la faire? Une espèce
de divorce à l'amiable entre deux conjoints qui se détestent;
l'un consentant, l'autre absolument contre ! Soyons indulgents
et parlons d'infirmité, une espèce d'incapacité
congénitale à faire l'amour ensemble dans un lit
devenu trop petit… Une invalidité confortablement
nourrie par un sentiment d'indépendance ! Vous êtes
sûrement comme le commun des électeurs, du moment
qu'on vous promet du bon pain sur la table, que vous pourrez prendre
vos vacances fin juillet sur le bord de la mer et que votre retraite
est assurée, pourquoi s'inquiéter ? Ah ! Vous préférez
le discours de Monsieur Mario Dumont qui veut acheter la paix
des braves et laisser ses enfants s'occuper de débattre
de la position du Québec dans la fédération
? Je crois bien, cher ami, que nous ne soyons déjà
assimilés dans vingt années quand la dénatalité
et l'immigration auront fait de concert leur œuvre…
Vous partez déjà ? Pardonnez-moi de vous avoir
peut-être retenu… Je ne voulais que vous rafraîchir
la mémoire.
Bon vote !
Par
Alain
Bellemare
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